Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
J'écris donc je suis
Publicité
Derniers commentaires
J'écris donc je suis
20 novembre 2008

Sans papiers et paumés

Le 18 novembre, à Bruxelles Laïque, a eu lieu un colloque consacré aux sans papiers organisé par la CLASS, la Confédération Laïques de l'Aide Sociale et de la Santé. L’occasion de dénoncer la violence sociale que doivent supporter les victimes, dont certains homosexuels, d’une législation discriminatoire.

Sans papiers, pas de respect? C’est bien ce qu’on pouvait croire à entendre les intervenants. Enfermés, bafoués, refoulés… tel est le bilan, en 2008, de la situation des personnes qui résident illégalement dans les pays d’Europe.

Immigration choisie?

Le discours de l’Union européenne, basé sur la migration économique, pousse les pays membres à ne sélectionner que les étrangers les plus qualifiés pour leur marché du travail et ce, afin de concurrencer les U.S.A. Quant aux autres, qu’ils se débrouillent! On n'en veut pas… Une fois sur le territoire, l’Etat refuse de les régulariser et de leur reconnaître le statut de travailleurs. Les illégaux ne peuvent donc bénéficier de la citoyenneté et des droits sociaux et économiques qui l’accompagnent. Pourtant, comme le dit Estelle Krzeslo, chercheuse au Centre de l’Emploi, du Travail et de la Formation à l’ULB: "en tant que travailleurs, les sans papiers sont au cœur de la société".

Par ailleurs, les étrangers peuvent arriver pour de multiples raisons autres que la recherche d’un emploi. Les raisons écologiques (tremblement de terre, inondation…) ou encore les situations de guerre décident des personnes à quitter leur pays pour trouver un refuge plus sécurisant. L’ennui, en Belgique, c’est qu’une fois arrivés, sur cette terre "d’accueil", ils n’ont plus la possibilité de repartir s’ils ne sont pas régularisés.

De ce fait, ces "illégaux" sont placés dans des centres fermés sans qu’ils aient la possibilité d’en sortir en attendant leur expulsion. Dans ces centres, les étrangers n’ont pas l’occasion de s’exprimer car ils ne connaissent ni la langue, ni la politique du pays dans lequel ils sont arrivés, ni personne pour les aider. Ils ne bénéficient d’aucune aide psychologique ou sociale car les autorités s’arrangent pour les empêcher de s’exprimer. La solitude et l’isolement se font alors très fort ressentir, les seules aides dont bénéficient les sans papiers sont l’aide médicale urgente et l’aide juridique garantie par l’arrêté royal organisant les centres fermés, mais très peu de réfugiés en sont informés. En outre, la plupart des avocats désignés pour aider les sans papiers et les représenter sont peu aguerris en matière de défense des étrangers détenus et de procédures de régularisation.

Pourtant, l’article premier de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme stipule que "tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité"…

Les nouveaux esclaves

Si l’esclavage a été aboli en France en 1848, il n’en reste pas moins présent dans le monde occidental. Des individus venant des pays développés se rendent dans un pays du sud (Guinée, Mauritanie, Laos…), promettant un travail rémunéré sur base d’un contrat à des personnes qui vivent dans la précarité. Une fois rentrés avec leur "nouvel-le employé-e", ces "employeurs" les privent de leurs papiers et les font travailler sans relâche, dans des conditions de vie inacceptables, qu’ils soient adultes ou mineurs. Privées de tous leurs documents et parlant rarement la langue du pays dans lequel elles ont échoué, ces victimes vivent dans la crainte constante d’être enfermées, voire torturées, par les autorités tant on les maintient dans un climat de terreur.

Cependant, pour les victimes qui ont le courage de s’échapper, une circulaire de 1994 et des directives ministérielles -sans cesse améliorées depuis 2003- offrent une protection dans la mesure où elles portent plainte contre leurs abuseurs. De plus, une directive de l’Union européenne, adoptée en 2004, oblige les Etats membres à prévoir dans leur législation un système d’octroi de titres de séjour spécifiques pour les ressortissants de pays tiers à l’UE qui sont victimes de la traite des Etres humains.

Des centres accueillent également ces victimes en leur proposant une aide psychologique et médicale, un accompagnement administratif et une assistance juridique. Toutefois, les peines décidées par les tribunaux pour les tortionnaires restent bien dérisoires comparées à la souffrance que ces derniers ont pu infliger à leurs victimes…

La détention des mineurs

En 2007, est parue la loi dite "d’accueil". Celle-ci stipule que tous les mineurs étrangers non-accompagnés peuvent être accueillis dans un centre Fedasil (un centre ouvert pour réfugiés) pendant un mois. Le hic, c’est que ces centres ne peuvent fournir les soins spécifiques (psychologie, accompagnement…) aux mineurs qui en ont besoin et qu'ils sont surpeuplés.

Quand un doute subsiste sur l’âge du mineur, une étude est entamée avec des tests médicaux, contestés par la doctrine scientifique! Cela peut prendre des jours, voire des semaines tandis que le mineur est maintenu dans un centre fermé. Plutôt que de déterminer la minorité par des tests psychologiques, on préfère les tests médicaux contestés qui prolongent l’enfermement du mineur.

Une fois sortis des centres ouverts après un mois d’hébergement, les jeunes ne bénéficient plus d’aucune aide et ne sont plus accompagnés. Ils se retrouvent alors, de nouveau, isolés et en proie à la détresse dans une société qu’ils ne comprennent pas.

En ce qui concerne les mineurs accompagnés, leurs intérêts sont rarement pris en compte, leur destin est lié à celui de leurs parents qui ne possèdent pas de papiers. Les circonstances favorables (intégration au sein de la société, scolarisation, apprentissage de la langue…) sont très peu prises en compte. Les enfants sont alors placés, au même titre que les parents, dans un centre fermé. Le statut d’étranger prédomine plutôt que celui d’enfant.

Et quand une famille est autorisée à résider dans un centre dit "ouvert" lors d’une procédure de demande d’asile, on oblige un membre de celle-ci à rester sur place tandis que les autres peuvent sortir. C’est le paradoxe de la détention dans un centre ouvert…

Les migrants homosexuels

Les gays et les lesbiennes étrangers qui demandent l’asile, pour la plupart africains de confession musulmane, viennent en Belgique car ils ne peuvent avoir un projet de vie épanouissant au sein de leur pays. Torturés, humiliés, mariés de force, violés, dénoncés par leur famille ou les habitants de leur village, ils doivent vivre, pour certains, avec la crainte permanente de la peine capitale qui est toujours en vigueur dans quatre pays d’Afrique. Seuls cinq ou six pays de ce continent n’incriminent pas l’homosexualité dans leur code pénal, mais, même dans ces pays-là, la réalité est malheureusement toute autre...

Une fois arrivés en Belgique, ces gays et ces lesbiennes subissent une autre violence dans les centres qui les hébergent. Logés à la même enseigne que les autres migrants d’Afrique qui sont là pour d'autres raisons, ils ne peuvent faire état de leur homosexualité sous peur d’être à nouveau victimes de violences de la part des autres réfugiés. Une fois de plus, ils se retrouvent isolés avec le poids d’une solitude dont ils n’arrivent pas à se délester.

Selon M. Van Oeteren, psychologue clinicien et directeur de l’asbl Ulysse: "Une personne aura des difficultés à ressentir un bien être identitaire quand elle n’est pas reconnue par la loi ni par les autres car nous avons besoin de la reconnaissance des autres pour exister. A long terme, cela entraîne des conséquences graves sur la santé mentale".

Selon lui, il existe quatre types de troubles psychologiques que l'on retrouve au sein des populations migrantes: les troubles psychologiques préexistants, les troubles liés à la gestion de l’exil, les troubles induits par les conditions de séjour (dans les centres surtout) et les troubles post traumatiques.

On remarquera que les candidats réfugiés homosexuels subissent très souvent ces quatre types de troubles. Ils connaissent souvent des troubles de la personnalité dus à leur parcours identitaire dans un pays qui nie, voire condamne ouvertement leur gaytude; leur exil mal vécu qui induit un rejet de leur milieu originel et une cassure avec leur vie antérieure, est source de conflits internes graves, ils se retrouvent ici dans des conditions de séjour difficiles, liées essentiellement à la promiscuité avec des condisciples qui ont ramené d'Afrique les mêmes comportements homophobes que là-bas; enfin, la plupart gardent souvent des violences qui ont jalonné leur parcours, des séquelles à long terme.

On retrouve quatre types de troubles psychologiques au sein des populations migrantes: les troubles psychologiques préexistants, les troubles liés à la gestion de l’exil, les troubles induits par les conditions de séjour (dans les centres surtout) et les troubles post traumatiques.

C’est là qu’intervient le service social de Tels Quels qui leur apporte, une écoute, un soutien psychologique, un accompagnement administratif pour mieux les aider à s’en sortir, grâce notamment à sa collaboration avec le CGRA (le Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides). Il permet aussi à ces gays et à ces lesbiennes qui ne se connaissent pas, de se retrouver au sein du groupe Oasis, le moyen pour ces personnes de rencontrer d’autres gays et d'autres lesbiennes qui ont la même culture et qui ont dû faire face à la même violence dans leur pays qu’ils ont été obligés de fuir. Pour la première fois de leur vie, ils entrevoient la possibilité de s’épanouir au sein d’une communauté qui leur correspond et dans laquelle ils ne se sentent pas stigmatisés.

Rappelons qu’en Belgique, une personne peut bénéficier du droit d’asile sur la constatation de son homosexualité si celle-ci est incriminée dans son pays d’origine. Et, jusqu'à présent, lorsque leur dossier tenait la route, tous ceux que Tels Quels a accompagnés, ont pu rester dans notre pays.

C'est alors une nouvelle vie qui commence!

A.N

www.telsquels.be

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité